Abécédaire
Cet abécédaire est extrait de Robert Delpire, C'est de voir qu'il s'agit publié par les éditions Delpire en 2017.
© Sarah Moon
A comme Les Américains : Jamais Robert Frank ni moi n’avons pensé que nous faisions un livre culte en 1958. Je ne suis pas sûr d’aimer le mot. Je me méfie des formules et des religions.
B comme Bob : J’ai toujours pensé que c’était le nom de Robert Capa. Mais ma grand-mère en avait décidé autrement en me surnommant ainsi. Il y a longtemps.
C comme CNP : La période la plus heureuse de ma vie professionnelle. J’ai accepté en 1982 pour deux ans la direction du Centre national de la photographie. J’y suis resté 15 ans. Je n’ai pas regretté.
D comme Delpire & Cie : L’esperluette est essentielle : je n’aurais rien fait sans tous ceux avec qui j’ai travaillé.
E comme édition : Il m’a fallu passer par la médecine pour découvrir une passion. C’est comme dans la campagne. Les chemins de traverse sont souvent les plus riches.
F comme la Galerie Fait & Cause : Le plaisir d’être utile. Travailler dans le social avec Michel Christolhomme comme interlocuteur : un rêve.
G comme Grand Prix : Les prix, c’est comme les médailles. Il y a ceux qui vous confortent et ceux qui vous indiffèrent. Les médailles d’or pour les films de Sarah Moon sont de la première catégorie. Les « Lifetime Achievement Awards », qu’ils soient américains ou japonais, ont un parfum d’encens, de funérailles.
H comme Henri Cartier-Bresson : Il me manque, celui-là. Bricolant dans la photographie, il n’est pas un jour où je ne pense à lui. À l’homme qu’il était. À l’intelligence qu’il avait. Au-delà du talent si tôt reconnu. À la constance de son amitié et de sa confiance.
I comme illustration : Je ne peux pas résumer d’un nom le chapitre des illustrateurs. Mais André Francois a été, cinquante ans durant, un autre grand ami. Un ami au grand cœur. Un grand talent, multiple et d’une confondante diversité. C’est grâce à lui que j’ai fait des livres pour enfants. Les Larmes de crocodile qu’il a écrit, illustré et mis en forme est pour moi un chef-d’œuvre.
J comme Jack Lang : Je n’ai cessé et ne cesserai jamais de chanter ses louanges. Et de le remercier. Pour ce qu’il a été. Un ministre comme il n’y en a plus. Soucieux de sa fonction. Attentif aux hommes. Efficace comme aucun autre ministre. Si « Photo Poche » existe, c’est grâce à lui.
K comme Koudelka : Lui, c’est un monstre. D’énergie. De passion. De talent. Il a, je l’ai écrit déjà, la rage de voir. Et il voit mieux que personne. Il est l’un de ces météores qui traversent l’histoire de la photographie, pur de toutes influences. Inclassable. Un grand. Un grand ami, aussi.
L comme Lartigue : Personne, mieux que lui, n’a incarné le bonheur de vivre. Et il l’a mis en images. Il est un havre de douceur et de gentillesse dans un monde de brutes.
M comme Mémoires : ne parlons pas des absents.
N comme NEUF : Avec la revue NEUF, tout était nouveau pour moi. Un métier dont j’ignorais tout. La découverte d’une passion aussi inattendue qu’insolite. La découverte, aussi, de tous ces auteurs qui sont devenus mes amis, que je n’ai pas abandonnés mais qui, parfois, nous ont quittés toujours trop tôt. André François, Claude Roy, André Martin, Jacques Prévert et quelques autres.
O comme octogénaire : J’ai l’âge de mes vertèbres. Trop de sport, paraît-il. Mais j’ai bien aimé. En faire, pas en parler.
P comme photographe : Il paraît que photographier c’est écrire avec la lumière. Certains photographes sont éblouissants. Marey, par exemple. J’en connais d’autres qui sont un peu éteints.
Q comme Qui êtes-vous Polly Maggoo ? : J’ai toujours été fasciné par l’image en mouvement. Mais j’ai vite compris que je n’avais pas les moyens de jouer à ce jeu-là. William Klein aura été une exception. Très agréable. Caméra au poing, ce vieux Bill est encore meilleur qu’avec un Nikon. C’est dire.
R comme reconnaissance : C’est une page qu’il me faudrait pour traiter le sujet.
S comme Sarah Moon : Deux métiers qui se complètent. Le sien. Le mien. En parfaite solidarité et estime réciproques. Jamais en compétition. Pour ne parler que professionnellement. S comme sentiment devient une affaire privée.
T comme traditionaliste : Pas plus que ça. Pour moi, la bonne photo n’a pas d’étiquette.
U comme unité : L’unité dans la diversité. Ce n’est pas une question d’éthique. C’est une question de nature.
V comme voir : Je n’ai pas l’œil usé. Une chance. Oui, je vois encore de bonnes images. Je rencontre encore des photographes jeunes et talentueux, soucieux de l’homme plus que d’eux-mêmes. Et je n’ai rien contre les conceptuels. Pourvu qu’ils ne pensent pas que la qualité d’une photo dépend de sa dimension.
W comme Werner Bischof : Werner Bischof, je l’ai connu il y a très longtemps. Il était la star de l’école des arts appliqués de Zurich. Excellent graphiste. Grand sportif. Il était à la fois un esthète raffiné et un citoyen du monde. Le Japon l’a enchanté. Il avait trouvé le pays de ses rêves.
X comme 190 x 125 : Si on me demande de faire un choix dans notre production, je réponds sans hésitation : « Photo Poche », qui a le mérite d’être encore en devenir.
Y comme Yann Arthus-Bertrand : Il a fait, méthodiquement, une œuvre de photographe. Le caractère raisonné et soigneusement organisé de sa démarche en fait un pilier de la cause écologique.
Z comme Patrick Zachmann : C’est un homme en quête d’identité. De la sienne. Des émigrés, qu’ils viennent du Mali ou de Chine. Il montre à la fois le pays d’accueil et la terre natale. Cette immersion donne à ses images une particulière dimension sociale.