Robert Delpire, montreur d’images.
© Sarah Moon
Robert Delpire (né en 1926, à Paris) est entré dans l'édition par effraction. Sans antécédents, sans formation et sans expérience. Étudiant en médecine (et jeune sportif amateur de haut niveau), il a pris en 1950 la direction de la revue de la Maison de la médecine. ll l'a appelée NEUF ( comme « nouveau ») et il a fait appel à des auteurs connus : à des écrivains comme Breton, Miller ou Prévert et à des photographes comme Brassaï, Cartier-Bresson ou Doisneau. Il gardera toute sa vie l’exigence de faire appel aux plus grands écrivains pour accompagner les œuvres des photographes.
Sous ce même nom, NEUF, puis sous le sien, il a publié des livres qui ont très vite fait de lui l'un des éditeurs de photographie les plus importants de la seconde moitié du XXème siècle. On lui doit le premier livre de Brassaï, la plupart de ceux de Cartier-Bresson et de Koudelka, Les Américains de Robert Frank (publié en 1958 et devenu culte), plusieurs livres de Sarah Moon et des centaines de livres d'autres photographes dont beaucoup qu'il a révélés au public.
ll a créé en 1963 la première galerie photo ouverte à Paris (au mythique « 13 rue de l'Abbaye ») et il a monté de très nombreuses expositions dans les musées et les institutions artistiques en France et à l'étranger.
Robert Delpire et Robert Frank
© D.R.
L'une de ses initiatives les plus marquantes restera la publication de la série Spécial Photo du Nouvel Observateur. Son format, le choix des images et la qualité des textes en font, en effet, un document exceptionnel dans l'histoire de la photographie.
À la demande de Jack Lang, il a créé en 1982 le Centre national de la photographie (CNP) à Paris, qu'il a dirigé jusqu'en 1996. D'abord au Palais de Tokyo puis dans l'Hôtel Salomon de Rothschild. ll y a organisé plus de cent cinquante expositions thématiques et monographiques ainsi que des événements destinés au grand public comme la fête de la photographie (Photofolies), en 1991, et, en 1993, le Prix Moins Trente pour les jeunes photographes.
C'est également à la tête du CNP qu'il a créé « Photo Poche», la première collection de livres de poche consacrés à la photographie.
Édouard Boubat, Robert Delpire et Robert Doisneau
© D.R.
Après avoir quitté la direction du Centre national de la photographie, Robert Delpire a poursuivi son activité professionnelle d'éditeur avec « Photo Poche » et plusieurs collections nouvelles (« Maestro », « Des images et des mots », « Poche Illustrateur »).
ll est également à l'origine de publications réalisées pour différentes institutions humanitaires, comme l'agenda des petits frères des Pauvres, le calendrier d'Amnesty international, l'album photo de Reporters sans frontières ainsi que de la galerie Fait & Cause ouverte par l'association Pour Que l'Esprit Vive.
L'œuvre de Robert Delpire et ses intérêts ne se limitent pas à la photographie. Dès le début de sa carrière, il a aussi été l'éditeur de livres d'enfants, de livres illustrés de plusieurs collections (d'architecture, « l'Encyclopédie essentielle » ... ).
ll a créé en 1955 la formule visuelle de la revue L'Œil dont il a assuré pendant huit ans la direction artistique.
Ayant découvert, par nécessité, la publicité au départ de la revue NEUF, il en a aussitôt pris le goût et a, parallèlement à son activité d'éditeur, créé une agence de publicité. Certaines des campagnes qu'il a réalisées (pour Citroën ou pour la BNP par exemple) lui ont valu une notoriété internationale et de prestigieuses récompenses.
Également passionné par le cinéma, il a produit des courts-métrages, deux films de William Klein (Cassius le Grand et Qui êtes-vous Polly Maggoo ? ) et de nombreux films publicitaires.
Robert Delpire et Jacques Monory
© Sarah Moon
Enfin, son intérêt pour l'image l'a amené à publier et à exposer l'œuvre d'artistes qu'il admire (et avec lesquels il a travaillé au cours de sa vie d'éditeur et de publicitaire) comme André François, Jacques Monory, Raymond Savignac, Saul Steinberg ...
Robert Delpire a toujours eu le goût de la nature et des éléments rares et singuliers que l'on peut trouver dans les jardins, les parcs, les prés et les bois ou au bord de la mer. A partir des années 2000, il consacre une partie de son temps à réaliser - avec ces matériaux végétaux, minéraux et animaux - des composites de beautés naturelles.
Michel Christolhomme